Toute crise financière, sociale, économique ou sanitaire, tout comme tout accident grave et médiatisé, font naître de nouvelles recommandations, de nouvelles normes, de nouvelles contraintes.
Qu'en est-il pour les chirurgiens-dentistes en cette période de déconfinement ?
La crise actuelle est d’autant plus complexe qu’elle ne se limite pas à une crise sanitaire. Elle a de plus la particularité d’être internationale et couvre l’ensemble de la planète quasiment en même temps. Le confinement a des répercussions économiques qui vont se traduire par une crise sociale et financière.
Des priorités vont devoir être gérées au détriment d’autres impératifs (ex. protection des données de santé, libertés individuelles…). Va-t-on prioriser la reprise économique en sacrifiant ou en minorant des règles sanitaires notamment lors du déconfinement ? La décision politique est un art du compromis.
De toute évidence, la reprise de notre activité professionnelle ne se fera pas dans les mêmes conditions d’exercice que celles que nous avions lorsque nous avons été contraints de l’interrompre brutalement.
Les évolutions technologiques se sont succédées et ont toujours été intégrées sans difficulté majeure.
Les professionnels se sont adaptés aux nouvelles exigences dans un contexte où l’évolution de la démographie (praticiens/ habitants) et de la cartographie des professionnels se dégrade discrètement.
La multiplication des obligations administratives pèse de plus en plus sur les praticiens, notamment ceux qui travaillent seuls.
Le nombre croissant de praticiens salariés sans réel pouvoir décisionnel (fournisseurs, prothésistes, formations prise en charge, choix de correspondants spécialistes…) impacte la relation entre les soignants et les patients.
Un nomadisme médical apparait du fait des faibles disponibilités des praticiens, des honoraires pratiquées, d’un éloignement géographique…
A ces transformations, vient s’ajouter la mise en place récente du RAC0 impactant brutalement la rentabilité des actes. Le temps dédié à la compréhension de ces nouvelles dispositions, à l’adaptation (établissement de nouveaux devis) et aux explications qui doivent être délivrées au patient viennent empiéter sur celui dédié aux soins. Il n'est cependant pas encore possible de mesurer toutes les répercussions de ce dispositif.
A tout cela, la profession semblait prête. Mais à ce tableau se superpose une situation inédite : l’arrêt brutal et simultané de tous les soins (non urgents) par tous les chirurgiens-dentistes, lié à la pandémie du covid-19.
A notre retour, la majorité des empreintes seront à refaire, si les travaux n’ont pas été achevés, et l'état bucco-dentaire de certains patients se sera dégradé (couronnes descellées, fractures dentaires ou prothétiques, déplacements dentaires…). Il faut s’attendre aussi à ce que les patients, dont le rendez-vous a été reporté, viennent se manifester, augmentant ainsi la charge de travail au moment de la reprise. Toutefois, la crainte de la contamination peut freiner la demande de consultation.
Les conséquences économiques auront un impact indéniable sur les plans de traitement.
De nombreux patients ne seront plus en mesure d’accéder aux soins non pris en charge.
Les praticiens qui auront vu leurs revenus suspendus devront s’équiper de matériel supplémentaire (masques spécifiques, surblouses, visières, augmentation du matériel jetable…).
La logistique associée (espaces de stockage, temps habillage/déshabillage, tri des déchets…) sera à réviser.
Les délais entre les rendez-vous seront augmentés pour éviter toute contamination (temps entre deux rendez-vous accru, désinfection des surfaces augmentée). La configuration de nos locaux, notamment de la salle d’attente (surtout si elle est partagée), pourrait être à revoir.
Il faut s’attendre à ce que tous les intervenants de l’équipe de soins (chirurgiens-dentistes, spécialistes, assistantes et prothésistes) ne reprennent pas leur activité professionnelle (décès, peur de la maladie, épuisement, difficultés économiques, proximité temporelle de retraite prévue…).
De nouvelles équipes vont se former (notamment si les modalités de déconfinement progressif nous y contraignent), entraînant une augmentation du risque d’incidents ou d’accidents.
A cela s’ajoute la menace d’un nouvel arrêt imposé par les autorités si une nouvelle vague de contamination venait à se produire.
Ce risque impacte directement la mise en œuvre des traitements longs (délais écourtés, traitements différés, plans de traitement modifiés, choix d’alternatives…).
Si prévoir les possibles problèmes est difficile, trouver les solutions adaptées avec à l’heure actuelle un nombre d’inconnues élevé, relève d'un défi que l'on ne peut relever qu'avec une réflexion collégiale.
Les principes de prévention hérités des industries à risques devraient être étudiés :